Monday, November 12, 2007

"Cette désorganisation organisée": More Pleasant News from France's Health Care System

Even though Dr. Laurent Sedel, M.D. takes on private health care at the end of his two-page article in Le Monde and even though he ends his diatribe with "le système de santé français, l'un des meilleurs du monde", one can sense that the physician's desire to end his opus on a positive note is of a political nature, in order to avoid unpleasant fallouts. What with his views on the undisputed evidence of France's vaunted solidarity in the hospital, the surgeon appears to be someone that Michael Moore somehow managed to miss during his visit to European health care units for Sicko (italics mine)…
Un sandwich et le courrier m'attendent. Parmi les lettres, le double d'un jugement dans une affaire d'infection prétendument nosocomiale : une fracture ouverte de jambe qui s'est infectée. Les torts sont partagés, et l'Assistance publique devra payer la moitié des dédommagements. J'écris pour expliquer qu'il faut faire appel de ce jugement, qu'il faut contester la version de ce patient qui a été mal reçu aux urgences.

…La routine ! Pourquoi la chirurgie est-elle une discipline en voie d'asphyxie ? Réponse : les recrutements se font rares, imposant le recours massif à l'immigration pour combler les postes vacants dans les hôpitaux publics. Les étudiants nous voient peu, nous connaissent mal et pensent que la chirurgie est un domaine où l'on ne parle pas avec le patient. Le public, lui, continue de vivre au rythme des feuilletons télévisés ("Urgences" et autres) ou des caricatures vues dans les films ou lues dans les romans.

…Paradoxalement, alors que les techniques s'améliorent, que l'anesthésie et la prise en compte de la douleur n'ont jamais été aussi au point, pourquoi faut-il que le service rendu ne soit plus apprécié comme il le devrait ? Je voudrais ici tenter de rétablir la vérité du métier, essayer de montrer pourquoi nous allons vers une détérioration du recrutement, de la qualité et, à terme, du service rendu.

Bien sûr, il n'existe pas une mais plusieurs explications. La société évolue, plus hédoniste, plus protectrice, plus récriminatrice aussi. Il faut tenir compte du sacro-saint principe de précaution. A l'hôpital, mais aussi en clinique privée, cela conduit à la disparition du pouvoir médical, à la perte de la notion d'équipe et à la mainmise de l'administration. Les effectifs de celle-ci se sont d'ailleurs considérablement étoffés en trente ans, le nombre de chirurgiens d'un service comme le mien restant le même. Enfin, osons le dire, il faut compter avec la faiblesse des rémunérations ou, plutôt, des tarifs opposables fixés par la Sécurité sociale.

Cette faiblesse est très démotivante à une époque où les footballeurs, les acteurs, les dentistes et, parmi les médecins, d'autres spécialités gagnent beaucoup plus. Citons les radiologues, les cancérologues, les radiothérapeutes, les biologistes et les anesthésistes (données de la Caisse de retraite 2006).

Les 5 000 chirurgiens français font pourtant vivre des dizaines de milliers de gens. … Un seul perdant dans tout cela : le patient.

…Une opération ressemble à une pièce de théâtre. Pour qu'elle puisse se dérouler, il faut un ensemble d'acteurs, de machinistes et de techniciens. … Tout cela demande une coordination rigoureuse, quasi militaire, or c'est un peu chacun pour soi : le chirurgien, même lorsqu'il est chef de service, n'a aucun pouvoir. Chaque corps de métier possède ses règles de fonctionnement : les brancardiers, organisés en pool commun, ont un sens de la ponctualité variable ; les anesthésistes doivent travailler un nombre d'heures au-delà desquelles ils ont droit aux RTT. Ils fixent leurs horaires, décident vers 15 heures qu'il est trop tard pour faire descendre le malade suivant puisque cela les ferait sortir après 17 heures. Ils sont pour la plupart arrivés à 8 h 30, en décalage de 30 minutes avec l'infirmière anesthésiste.

…Mais il faut bien reconnaître que le quasi-blocage des rémunérations lié aux 35 heures a eu des effets pervers sur ces emplois techniques, dont les effectifs sont insuffisants. L'un de ces effets est le recours de plus en plus habituel à l'intérim.

…Comprenons-nous bien : nous ne mettons pas en cause la valeur des individus, ni leur compétence ni leur fiabilité, encore moins leur conscience professionnelle. Le problème est l'absence de notion d'équipe soudée autour du but commun. Chaque corps de métier obéit à ses propres règles, ses syndicats, sa logique, son organisation. Alors que c'est l'équipe tout entière qui gagne ou perd. C'est comme si une équipe de foot ou un corps de ballet voyait ses éléments changer à chaque match ou ballet. On imagine les performances !

En chirurgie, les conséquences sont surtout une perte de temps avec les dix acteurs concernés par l'acte opératoire au chômage technique parce que l'un d'entre eux manque à l'appel ou n'a pas fait son travail, parce que le brancardier, par exemple, n'a pas emmené le patient au bloc et que tout le monde attend.

…En garde, c'est pire, les chirurgiens sont souvent jeunes, les anesthésistes qui travaillent en équipe ne sont plus affectés à une spécialité chirurgicale. Les cas bénins ne les intéressent pas, toutes ces fractures, ces plaies, ces bobos divers qui représentent la grande majorité des soins à donner et qui doivent être opérés en urgence. Ces cas "simples" peuvent, mal traités, représenter de véritables catastrophes individuelles : un tendon fléchisseur du pouce coupé chez un travailleur manuel peut l'obliger à changer de métier après six mois de convalescence et de rééducation.

(Le médecin urgentiste) Patrick Pelloux s'élève contre l'indisponibilité des services de chirurgie, alors que cela n'a souvent rien à voir avec les chirurgiens. C'est un problème de gestion de flux, de disponibilité des lits (l'administration), des blocs opératoires et des anesthésistes (département d'anesthésie), des instruments stériles (la pharmacie). Cette désorganisation organisée engendre des pertes de temps à répétition. Elle est vécue par le chirurgien comme vexatoire.

…L'appropriation du principe de précaution par l'administration n'a qu'un seul but : se couvrir pour qu'un scandale ne soit plus de son fait. …le pire est sans doute la peur de l'échec. Or il n'y a pas et il ne peut pas y avoir de chirurgie sans complications. Une ambiance de précaution absolue conduit à terme, soit à supprimer toute intervention réparatrice non vitale au prétexte qu'elle n'était pas indispensable, soit à employer des méthodes beaucoup plus radicales.

…On parle tous du trou de la Sécurité sociale. Sait-on la quantité d'argent perdu par une mauvaise organisation ? Nous avons déjà développé la perte que représente l'absence de fonctionnement d'équipe, la mauvaise coordination, la mauvaise gestion des équipements. D'autres gouffres financiers sont bien connus : c'est notamment le maintien, pour des raisons politiques, de petites structures dans de petites villes, parce que les administrés, manipulés par le maire, sont persuadés que parcourir 30 kilomètres pour aller se faire opérer est une perte de temps inouïe.

…Autre exemple récent, je demandais un clou d'humérus spécial (300 euros) qui permettait d'éviter, pour certaines fractures de l'épaule, de poser une prothèse (environ 2 000 euros). Comme le clou d'humérus était "au marché" à 180 euros, l'administration n'admettait pas de payer un clou plus cher. Il m'a fallu plus d'un an de lettres à la direction pour expliquer cela.

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